par Ombline Wirth, ENS Paris, AMI BEST 2019-2020
« Tout commence par une tâche d’Hercule attribuée à des fourmis : insérer les œuvres d’art s’inspirant de la Bible. Lesquelles… toutes ? Manquerait-on de prudence (dont nous insérons pourtant nombre d’allégories, du jeu de tarot dit de Charles VI aux tempera de Piero del Pollaiolo, dans les Proverbes et le Siracide), ou de sagesse, nous qui accumulons les portraits de Salomon ? Cela peut sembler d’une ambition déraisonnable, orgueilleux même. C’est en réalité très humble, car cela demande de prendre sa place, une toute petite place, dans un projet qui, comme les grandes cathédrales, comptera ses milliers de petites mains anonymes. S’est-on assis d’abord pour voir si l’on aurait de quoi aller jusqu’au bout ? Mais qui a dit qu’il y avait une fin à l’amour des Écritures saintes ? L’amour seul ne craint pas l’excès ; et ça tombe bien, car c’est l’amour qui motive ce projet. Un amour fou, enthousiaste, déraisonnable d’une Parole qui fait vivre et qu’on ne saurait ranger au placard — ou sur un rayonnage poussiéreux de sa bibliothèque…
Rentrer au moins une image par chapitre : voilà le défi lancé il y a un an ? deux ans ? par le père Olivier-Thomas Venard.
Les chercheurs commencent par extraire quelques pierres des Bibles illustrées existantes (Doré, Carolsfeld, les Bibles des pauvres et les Bibles moralisées…). La mosaïque se complète peu à peu, et l’on voit Moïse par les yeux du Pérugin et de Poussin, Michel-Ange et Chagall, Rembrandt et Ferdinand Bol, Jordaens et Tissot, Signorelli et José de Ribera. Les Monty Python côtoient Donatello : le projet fait honneur à la diversité dominicaine. Les primitifs flamands et italiens rejoignent les lavis de François-Xavier de Boissoudy, et les installations contemporaines les toiles de Rubens, Zurbarán et Véronèse. C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir des chefs-d’ œuvre parfois méconnus, de quoi nourrir sa méditation des mystères du rosaire, et, en peuplant son imaginaire chrétien, christianiser son imaginaire.C’est en juxtaposant humblement des pierres que l’on bâtit l’édifice, qui prend parfois des formes déroutantes, et ce sont les plus belles surprises. Car les liens apparaissent, parfois inattendus. Alors, on apprend que que les rois mages d’un dessin animé russe sortent tout droit d’un chapiteau roman du XIIe siècle, que Desvallières se met à l’école de Titien, que Pontormo a pour élève Bill Viola. Alors, tout parle, tout se répond, tout communique : les lettrines d’un livre d’heures avec les manteaux des vierges de Van Eyck, les pages rouges de l’évangéliaire de Rossano avec le Jésus roux de Gauguin dans sa splendide agonie, nouveau David dont la chevelure flamboyante déchire la nuit.
Dieu a parlé une fois — deux fois j’ai entendu… et trois fois j’ai répondu.
Dieu se révèle dans la Bible… et il veut qu’on lui réponde ! L’Écriture est un dialogue et c’est tout l’intérêt du projet BEST qui met enfin sérieusement en valeur l’histoire de la réception.
On découvre les proverbes profanes et bibliques qui émaillent Brueghel, on fait taire ses clichés sur l’iconoclasme juif avec la synagogue de Doura Europos, on suit Jonas jusqu’au rayon jouets pour le retrouver émergeant de la baleine dans une page du XIVe siècle, on voit Lazare dans tous ses états grâce aux gravures de Rembrandt, Adam honoré par les anges dans une enluminure perse. On lit le livre des Juges pour la première fois en entier et l’on se dit que Yaël n’est pas suffisamment chantée. Puis on la découvre au nombre des Neuf Preuses, et l’on remarque à nouveau que, décidément, les médiévaux étaient plus sages que nous. Et comme la BEST se veut la nouvelle glossa ordinaria, on se dit que l’on est au bon endroit. »
Les historiens de l’art entrent dans la partie
Le 3 mars 2020, au cours d’une réunion d’une petite dizaine de professeurs d’histoire de l’art à la fois « en présentiel » et en vidéoconférence, de Lille, Paris 1, Nantes, Poitiers, Angers, chez notre ami le professeurs Christian Heck, nous avons établi les formats de contributions possibles en iconographie biblique, de la part de jeunes chercheurs sous la direction de leurs professeurs.
Et cet automne déjà, de premières notes prometteuses nous parvenaient, sur le cycle de Moïse…